Votre chambre à coucher installée dans un container maritime, après qu’il ait sillonné les mers pendant 10 ans, un pari improbable ? Pas tant que ça ! Recyclage, coût, solidité, possibilités d’assemblages… Les attraits de la maison container pourraient bien déclencher un raz-de-marée dans l’univers du logement au cours des prochaines années. Petite analyse.
L’idée de « vivre » dans cette grosse boîte en métal remonte à l’époque des scientifiques en mission polaire. C’est qu’il leur fallait un labo résistant à des conditions extrêmes ! Depuis les années 2000, le fameux container séduit les architectes adeptes de l’éco design. Et si le concept reste encore timide en Belgique, il prend de l’ampleur et fait de plus en plus d’émules des deux côtés de l’Atlantique. Pourquoi cet engouement ? Et comment ça fonctionne ? Explications…
Du recyclage de containers « dry » à bon port
Partant de Chine ou d’ailleurs, des millions de containers prennent le large. Après un certain nombre de voyages, ils restent vides, inutiles, encombrants. Et pourtant, ils sont parfois encore en très bon état. D’où l’idée de leur donner une seconde vie ! A l’heure du recyclage et de la durabilité, en pleine crise du logement, les containers “dry” (se dit des containers affectés au transport des marchandises sèches) constituent peut-être une solution, même si l’idée doit encore faire son chemin !
Patrice Cagnasso, architecte français et partisan du design brut, entame son premier projet de containers empilés dans la région de La Rochelle. Mission : réaliser un atelier multifonctions (bureau, salle de réunion, vestiaire…). Il est emballé par cette construction : « Pour moi, le container laissé tel quel, brut, avec sa propre patine, ses inscriptions, ses tampons, les traces de tous ses voyages, semble prêt à repartir. Cette touche d’éphémère lance comme une invitation au voyage… ».
Pas si petit, le container !
Il existe principalement deux tailles standard de containers “dry”: les 20 pieds (dimensions moyennes : L 6 x l 2,5 x h 2,5 m) avec une superficie brute intérieure de moins de 15 m2, et les 40 pieds (mêmes dimensions, mais L de 12 m) avec une superficie de moins de 30 m2.
Pour les 20 ou 40 pieds, la version « high cube » se prête encore mieux à la construction avec son surplus de hauteur de 40 cm. « Dans le container, avec la couche d’isolation, on perd facilement quelques dizaines de centimètres dans le plafond. Le “high cube” nous garantit de ce fait une hauteur de plafond plus confortable ! » explique Mikaël Boutin, jeune architecte installé en Bretagne qui se consacre, depuis peu, uniquement aux maisons à base de containers.
Il vient d’ailleurs de terminer sa propre maison réalisée à partir de sept containers “dernier voyage” achetés d’occasion à une société de transport maritime : « Vous devez compter environ 1.500 euros pour un container de 20 pieds et le double pour un de 40 pieds.
Le container s’acquiert pour un prix dérisoire ». Pas vraiment champion de la largeur, le container s’étire surtout en longueur. Mais en assemblant plusieurs éléments, et en ouvrant les parois intérieures, on peut obtenir une belle superficie habitable aux allures de loft : bluffant !
Des modules qui s’assemblent facilement
En matière d’agencement, les containers ont des arguments ! A la base prévus pour s’empiler, ils peuvent ainsi former plusieurs étages. Pour les arrimer les uns aux autres sur un même plan, les techniques de soudure ou de boulonnage sont utilisées.
Fenêtres et ouvertures sont percées et découpées dans la tôle ondulée à l’aide d’un laser, un découpeur plasma ou une disqueuse. Patrick Imbrecht, spécialisé dans la vente de containers maritimes en Belgique : « L’épaisseur de l’acier fait à peine 2 ou 3 millimètres ». Mais, même si les containers sont solides et autoportants, leur structure doit être renforcée par un système de poutres quand ils sont superposés et percés.
Différentes réalisations témoignent de la belle modularité des containers. Les kots d’Amsterdam et ceux du Havre en France, encastrés dans une structure métallique, se superposent sur plusieurs étages. Des maisons particulières, à étages ou de plain-pied, se composent de différents containers assemblés. D’autres édifices mélangent le bâti traditionnel au container, alors utilisé comme extension, ou élément architectural en soi. A Sao Paulo au Brésil, une maison baptisée Decameron fait entrer partiellement six containers perpendiculairement dans un hangar en béton. Il existe même des containers placés sur pilotis ! Vous pensiez que les containers freinaient la créativité ?
L’isolation de votre « cage de Faraday »
Par vents et marées, le container est conçu pour faire face aux pires intempéries : pluie, eau, sel, chocs. Sa solidité ne fait aucun doute. Côté extérieur, votre container offre donc en principe une isolation suffisante… pour autant que son étanchéité ait été vérifiée et, le cas échéant, corrigée.
Si les containers sont un peu abîmés et rouillés par endroits, grâce au sablage de leur surface et à un traitement anticorrosif, ils retrouveront leurs propriétés étanches. A l’intérieur par contre, l’isolation thermique (et acoustique) s’avère tout à fait impérative ! Cette couche d’isolation (plaques isolantes ou laine de roche) sera recouverte de plaques de plâtre.
Autre élément à isoler, le toit, mais par l’extérieur cette fois, avec par-dessus, une membrane goudronnée étanche et un système de gouttières pour évacuer les eaux de pluie. Pour les finitions extérieures, vos containers peuvent rester tels quels, si vous aimez justement leur côté brut et authentique. Mais en jouant sur une nouvelle peinture ou un bardage en bois recouvrant la tôle, vous renverrez une image très différente de votre maison. Il est possible de s’orienter vers une toiture d’aspect plus traditionnel en construisant une charpente en bois en porte-à-faux, recouverte ensuite de tuiles.
Plus d’informations à ce niveau ici.
Made in Belgium
Pas facile de trouver des maisons-containers chez nous. Sauf peut-être à Anvers. Dans ce haut lieu du design, la « plus petite maison de la ville », coincée entre deux immeubles, se compose de quatre containers empilés qui sont totalement ouverts vers l’extérieur et la rue. D’une superficie de 60 m2, cette maison a été créée par deux architectes du bureau Sculp(It). Ils vivent et travaillent dans ces 4 étages de 15 m2 chacun.
De nuit, les containers montrent leurs couleurs grâce à un jeu de néons. Blanc, vert, rouge et bleu. Original…
Et demain ?
Vous l’aurez compris, comme ce type de construction vient à peine de percer, la difficulté consiste à trouver des architectes et des entreprises avec le savoir-faire et les compétences pour réaliser un tel projet. Le second défi se situe du côté des communes où les règles urbanistiques ne permettent pas toujours de laisser libre cours à la créativité, a fortiori pour des logements « atypiques » en acier avec une toiture plate.
Demain, ce sera peut-être une question de nécessité, et plus seulement une optique esthétique. Selon les mots de l’architecte Patrice Cagnasso, qui se méfie des effets de mode : « Pour moi, la maison-container constitue surtout une réponse contextuelle et doit être comprise comme un phénomène inscrit dans une époque ». Il termine en disant qu’il utilise aussi cet élément en raison de son prix très attractif. A suivre…